Coeur tam-tam

À Saint-Aubin, Eugène Rabier fait office de curiosité locale. Forcément: un type qui a passé une bonne partie de sa vie en Afrique et qui s’est installé dans une cabane à l’écart de la ville, ça ne passe pas inaperçu. Quand les mômes le croisent dans la rue, ils se mettent à chanter "Saga Africa". "Changez de disque, les morveux !", leur lance l’Eugène. "Essayez plutôt un chant sorko ou une danse masaï !". Le pire, c’est encore monsieur le maire. Tout ce qui l’intéresse, l’édile, c’est de lui racheter sa parcelle de terrain pour construire une raffinerie. Il rêve, celui-là ! D’abord, Eugène est diabétique. Alors, les effluves de sucre toute la journée, merci bien. "Essayez plutôt de planter une palmeraie, ça aurait une autre gueule que vos betteraves". Bien envoyé, ça ! Il faut dire que les palmiers, il connaît, Eugène. Là-bas, en Afrique, c’était sa spécialité. Comme il est un peu nostalgique, il essaie tant bien que mal d’en faire pousser un sur son lopin de terre. Un Elaeis Guineensis, pour causer comme les savants. Pour l’instant, en fait de palmier, il n’y a que deux branches à peine sorties du sol qui se battent en duel. Pas grave : ça n’empêche pas Eugène de penser à l’Afrique, tranquillement étendu sur son lit. Cette nuit-là, justement, il rêve qu’un troupeau d’éléphants lancés à vive allure lui fonce dessus. Tu parles d’un boucan ! De quoi vous réveiller en sursaut, un truc pareil. Mais quand Eugène ouvre les yeux, c’est pour découvrir une bande de guignols encagoulés penchés au-dessus de lui, l’air mauvais et le fusil d’assaut à la main. Au début, Eugène c